Le parc automobile belge en 1955

Extrait d’un article de Jacques Ickx publié dans la Revue Automobile du 25 janvier 1956 à l’occasion du salon de l’automobile de Bruxelles (traduit de l'Allemand)

Bien que le Salon de l'automobile de Bruxelles offre de nombreuses nouveautés cette année, il ne peut être comparé aux autres expositions du printemps et de l'automne, qui ont lieu tous les deux ans, car le Salon de l'automobile de Bruxelles est avant tout une manifestation dédiée à l'industrie automobile nationale belge. Les exposants estiment qu'ils pourraient très bien se passer du salon. Mais puisque cette exposition existe, il est nécessaire d'y être présent et d'accepter les frais, même si, selon de nombreuses entreprises, il ne sera pas possible de gagner un seul client supplémentaire. Le test aura lieu en 1958, lorsque les bâtiments qui abritent aujourd'hui l'exposition automobile seront réservés à l'Exposition universelle. Certains craignaient, d'autres espéraient, que les travaux préparatoires rendent impossible le salon de l'année prochaine ; cependant, ces difficultés pouvaient être évitées grâce à une organisation habile. Cependant, le Salon de Bruxelles de cette année a déjà été réduit d'une partie de son champ d'action habituel. Par exemple, les fabricants et importateurs de pièces accessoires ne sont plus représentés. De plus, chaque année il faut plus de stands d'exposition, ce qui aurait posé un gros problème si la Ford Motor Company n'avait pas décidé, comme l'an dernier, de transformer un pavillon situé dans un emplacement défavorable en son propre salon au sein du salon.
Bien que les exposants soient enclins à nier la valeur de l'exposition, le marché automobile belge montre une courbe ascendante. Malheureusement, il n'est pas possible de dire combien d'unités possède actuellement le parc automobile belge, car une amélioration du système statistique aurait entraîné un retard des chiffres disponibles jusqu'au 15 décembre 1953. À cette époque, 368 000 voitures particulières, 159 000 camions, 3 300 autocars circulaient en Belgique, ainsi que 203 000 motos et 72 000 vélos avec moteurs auxiliaires. Selon la Chambre syndicale, le nombre de voitures voyageurs a augmenté d'au moins 100 000 depuis lors. Au cours de l'année 1954, 93 864 véhicules ont été vendus, et le chiffre pour 1955 est estimé à 106 780. L'importation et l'assemblage des camions sont restés inchangés à environ 18 000 unités. 
Nous examinons maintenant comment les ventes de véhicules sont réparties entre les différents pays producteurs, en particulier le profit ou la perte de la part de marché exprimé en pourcentage. Les marques françaises ont réalisé le plus de progrès, mais les autres pays peuvent également se satisfaire de leur développement en Belgique, à l'exception du Royaume-Uni, dont le déclin est d'autant plus important que le marché automobile belge a globalement augmenté de 12,5 %. L'Allemagne reste en tête, mais ses principaux adversaires, la France et les États-Unis, ont réussi à réduire leur écart, tandis que l'Italie, la Tchécoslovaquie et la Suède profitent également d'une augmentation de leur part de marché. Comment expliquer ces différents phénomènes ? En particulier, le déclin relatif de la part allemande et la croissance de la part américaine ne sont pas très évidents à une époque où les cercles moins favorisés sont eux aussi en train de se mobiliser. En fait, cette évolution favorise principalement les fabricants de petites voitures moins chères. Ainsi, la proportion de voitures américaines, qui constituait la majorité avant la guerre, a diminué régulièrement. En ce qui concerne les pertes des marques anglaises, il faut souligner, comme partout en Europe, que les conceptions britanniques ne peuvent pas suivre la concurrence techniquement et disposent souvent d'un réseau de services moins développé. L'Italie doit entièrement son succès au nouveau modèle Fiat 600, la Tchécoslovaquie bénéficie de l'amélioration des relations commerciales et la marque suédoise Volvo a su se forger une bonne réputation. Dans le cas de la France, ces efforts commencent à avoir un impact sur le secteur commercial, et la réaction du public acheteur face aux publications de la presse parisienne sur leurs propres véhicules a également eu un effet positif sur leur succès commercial. Neuf voitures vendues sur dix sont assemblées en Belgique. Sur les 106 780 voitures vendues en Belgique en 1955, 94 809 ont été assemblées dans des usines d'assemblage belges. Les chiffres correspondants pour les camions sont de 15 687 unités sur 18 767 unités, soit environ 110 000 véhicules utilitaires désormais importés en Belgique.
La question de l'assemblée obligatoire en Belgique, qui était très débattue il y a deux ou trois ans, semble désormais tranchée à la satisfaction de tous, notamment parce que l'évolution des choses a dépassé même les prévisions les plus optimistes et parce que le niveau des prix n'a pas augmenté à l'ampleur attendue. Dans ce contexte, il convient de mentionner que les deux marques Morris et Simca répondent à leurs exigences belges issues de l'assemblage néerlandais ; cette règle n'est pas contraire aux dispositions belges, puisque la Hollande est un pays du Benelux. Il convient également de mentionner que chaque marque peut importer 250 voitures par an, dont l'assemblage peut avoir lieu n'importe où. De nombreuses entreprises n'ont même pas atteint cette limite l'année dernière. La réexportation des voitures assemblées en Belgique est également devenue très importante ; on estime qu'environ 20 % des exportations totales aujourd'hui proviennent d'automobiles.

                        1954         1955 Variation Part de marché

Allemagne 36.150 38,5% 39.859 37,3% 3.709 10,3% -1,2%
France         18.522 19,7% 25.848 24,2% 7.326 39,6% 4,5%
Etats-Unis 19.564 20,8% 23.057 21,6% 3.493 17,9% 0,7%
Grande-Br. 16.557 17,6% 13.106 12,3% -3.451 -20,8% -5,4%
Italie         2.369 2,5% 3.271 3,1% 902         38,1% 0,5%
Tchécoslov. 363         0,4% 1.198 1,1% 835         230,0% 0,7%
Suède         289         0,3% 387         0,4% 98         33,9% 0,1%
URSS         40                 54                 14         35,0%




Camion FN à Charleroi

Charleroi. Pont de Waterloo. Le camion FN (1935-1937) de dépannage numéro 3 de la STIC.Cliché : Geoffrey Tribe, le 12 octobre 1972  Collection Michel Reps




Fermeture de l'usine Audi

Article RTBF - Jean-François Noulet - 27/02/2025

Après trois quarts de siècle d’existence, l’usine d’assemblage automobile de Forest cesse ses activités ce 28 février 2025. Les portes se referment sur les dernières chaînes de montage où étaient assemblés, ces dernières années, des véhicules de la marque Audi. Il faut remonter à 1949 pour voir sortir les premières voitures du site de Forest. A l’époque, c’est le groupe D’Ieteren, importateur de voitures, qui était aux manettes. L’usine est ensuite passée dans les mains de VW avant la dernière ligne droite pour le compte d’Audi.

D’Ixelles à Forest : D’Ieteren voit plus grand
C’est au groupe D’Ieteren que l’on doit le projet de construire une usine d’assemblage automobile à Forest.
Depuis les années '30, D’Ieteren, groupe familial déjà plus que centenaire, s’est lancé dans l’importation et la distribution de marques automobiles américaines. Assez rapidement, ce sont des châssis et des pièces de carrosserie qui sont importés pour être assemblés dans les ateliers de D’Ieteren, au Mail à Ixelles. Ces installations devenues trop étroites, Pierre D’Ieteren, le patron, décide, après la seconde guerre mondiale, de construire une usine à Forest. L’usine porte le nom d'"Anciens Etablissements D’Ieteren Frères". La taille de l’usine est encore modeste, environ 14.000 m2. Les premiers véhicules, toujours de la marque Studebaker, sortent des nouveaux ateliers à partir de 1949. Au total, ce sont 19.000 voitures et près de 3000 camions "américains" qui y seront assemblés.
Le montage de véhicules américains, Studebaker et Packard, se poursuivra jusqu’en 1960.

Les débuts de l’assemblage de VW à Forest
En 1949, D’Ieteren élargit son portefeuille d’activités et devient l’importateur belge du groupe Volkswagen. En quelques années, le site de Forest s’agrandit et devient aussi un lieu d’assemblage de véhicules de la marque allemande.
En 1954, les ouvriers de l’usine de Forest assemblent des Coccinelles. La superficie des bâtiments est passée à plus de 300.000 m2. Jusqu’à la fin de la production, en 1975, pas moins de 1.143.664 exemplaires de la Coccinelle auront été construits à Forest. En plus de la Coccinelle, les ouvriers de l’usine de Forest ont aussi construit des VW Transporter et Karmann-Ghia. Entre 1950 et 1960, des Porsche (Modèle 356) sont aussi assemblées à Forest.

1970 : D’Ieteren passe la main à VW
Le succès de la Coccinelle nécessite de voir plus grand. Il faut augmenter la production. Le 31 décembre 1970, le groupe VW rachète l’usine au groupe D’Ieteren et la modernise. La nouvelle firme porte désormais le nom de "Volkswagen Bruxelles S.A. – Brussel N.V." A partir de là, au total, six millions et demi de voitures sortiront des chaînes de montage bruxelloises, dont la VW Golf et la Passat, mais aussi d’autres modèles des marques Volkswagen, Iltis, Seat et Audi.
Au fil des années, la capacité de l’usine grandit et le site s’étend avec de nouvelles installations de production. Au sein du groupe VW, le site forestois est reconnu pour sa productivité, sa souplesse et sa capacité à s’adapter à différents types de véhicules. Au passage, au milieu des années 2000, c’est l’Automotive Park, un complexe de 65.000 m2 destiné à accueillir les sous-traitant de l’usine VW et le service logistique, qui est aménagé sur le site de Forest. A l’époque, cet investissement, soutenu par les autorités bruxelloises, rassure, car il permet de croire à l’ancrage à long terme du groupe allemand en terre bruxelloise.

2006 : le premier coup de massue
Le projet de l’Automative Park est à peine né qu’une douche froide s’abat sur les travailleurs de VW Forest. En 2006, le groupe VW est en surcapacité et décide de limiter sa production. Pour sauver les usines allemandes, VW a l’intention de fermer l’usine de Forest et l’annonce aux syndicats de l’entreprise, fin novembre 2006. A l’époque, 5300 personnes travaillent à VW Forest.
Début janvier 2007, en grève depuis un mois et demi et l’annonce de la direction de VW, les travailleurs votent par référendum pour la reprise du travail aux conditions d’Audi.
Un bras de fer se joue alors entre syndicats et direction du groupe. Le Premier ministre Verhofstadt et les autorités politiques abattent les quelques cartes qu’ils ont en main pour tenter de convaincre le groupe VW d’assurer un avenir au site forestois. Finalement, c’est la filiale Audi qui reprend le site, mais cela ne se fait pas sans casse sociale. Plus de 3000 personnes perdent leur job.

L’ère Audi
Nous sommes en 2007, le 14 mars. Le patron d’Audi et les représentants syndicaux scellent les bases de la poursuite des activités. Un nouvel accord salarial est conclu pour les quelque 2100 emplois qui sont conservés sur le site, avec de nouvelles conditions de rémunération, plus de flexibilité et une augmentation du temps de travail. Volkswagen Forest devient officiellement Audi Brussels.
Entre 2007 et 2009, les ouvriers restants de Forest produiront encore quelques modèles des gammes VW et Audi (VW Golf et Polo et Audi A3). Une fois la page de la production des derniers modèles VW tournée, le site de Forest devient le seul site du groupe Audi à produire l’Audi A1, le modèle d’entrée de gamme du constructeur allemand, modèle qui sera fabriqué à Forest jusqu’en 2018 à près d’un million d’unités.
Le 14 octobre 2014, la direction de l’usine et les autorités célèbrent en grande pompe la fabrication de la 500.000ème Audi A1 sur le site d’Audi Brussels.
Ensuite, Audi décide de revoir l’organisation de l’usine de Forest pour l’adapter à la production de véhicules électriques avec l’arrivée de la nouvelle Audi e-tron, un SUV. Lors de ces trois dernières années, c’est le gros SUV de la gamme électrique d’Audi qu’Audi Brussels assemble.
Le 14 décembre 2022, Audi Brussels, encore enthousiaste, lance la production de l’Audi Q8 e-tron à Forest.
Malheureusement, les chiffres de ventes des modèles électriques Audi ne suffisent pas et en février 2024, la direction du groupe annonce que le modèle Q8 produit à Forest le sera finalement en Chine et au Mexique. Quelques mois plus tôt, à l’automne 2023, les travailleurs de Forest apprennent qu’ils ne produiront finalement pas le modèle Audi Q4 contrairement à ce que la direction avait planifié. A partir de ce moment-là, les perspectives ne sont pas bonnes pour l’avenir du site bruxellois. En juillet 2024, la direction annonce un projet de restructuration et de licenciement collectif. Dans un premier temps, on évoque une réduction du volume d'emploi et de l'activité avec une perspective de fermeture en 2025 faute d'alternative.   Le 29 octobre dernier, la décision de fermeture de l'usine est confirmée lors d'un nouveau conseil d'entreprise. La date de fermeture est fixée : le 28 février 2025.  Une procédure Renault et lancée pour les quelque 3000 travailleurs occupés par Audi Brussels. Sur le site, la fermeture de l’usine laisse aussi sur le carreau plus d’un millier de sous-traitants.